• On part à pieds à travers bois pour se rendre au village voisin, on va au restaurant chez la Thérèse, c'est un réel moment de félicité. La Thérèse tient le restaurant hérité des parents avec son frère le Riri qui passe plus de temps à parler qu'à travailler.

    On passe la porte c'est une ambiance unique de senteurs qui se dégagent, se mêlent. La Thérèse accueille les adultes pour l'apéritif, les enfants ont droit au Pitch orange ou citron ? Elle n'a jamais réussi à prononcer correctement la marque Pschitt, ce qui a le mérite de me laisser un souvenir de mon enfance.

    Honneur suprême, nous sommes des clients privilégiés, des amis, c'est pourquoi nous avons le droit de manger dans la cuisine au lieu de la salle. C'est la valse des marmites, la Thérèse s'active aux fourneaux, sert en salle et malgré le coup de feu arrive à s'attarder auprès de chacun de ses clients tout en invectivant le Riri qui discute paisiblement, ce qui ne le perturbe pas.

    Dans la cuisine pendent au plafond les saucissons qui dégagent une légère odeur de rance, ce qui pour des papilles aseptisées peut provoquer du dégoût, je peux vous assurer que je n'ai jamais retrouvé la saveur de ces saucissons.

    Le summum est le pâté chaud de foies, recette exclusive de la Thérèse, c'est un soufflé mais pas avec n'importe quels foies, uniquement des foies de volailles, il arrive directement du fourneau sur la table, sa croûte légèrement dorée crépite encore, on a l'impression qu'il vit, c'est tout juste si on ose se servir et puis on plante la cuillère, sous la croûte du moelleux, sous votre palais du fondant. Il reste tout juste un peu de place pour un fruit de saison.

    C'est l'heure du retour, on passe à la boulangerie ouverte sept jours sur sept pour prendre une tourte de pain de seigle qu'on dégustera en larges tartines avec pour accompagnement du beurre en direct de la baratte.

    Les kilomètres à pied pour rentrer à la Maison sont les bienvenus en guise de promenade digestive.


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  • On y accède par quelques marches, on pousse un portillon en fer qui grince malgré l'huile administrée comme remède mais il ne guérit pas, ce grincement est pour moi un sésame, une invitation à aller plus loin, on se retrouve à l'intérieur saisi par une palette infinie de couloirs qui se côtoient, se mélangent sans jamais heurter la vue.

    Dansons la capucine y'a du plaisir chez nous, quel plaisir permanent de regarder les capucines aux couleurs éclatantes, les rouges triomphantes dominent le parterre, leurs pétales si doux qu'on dirait du velours. Les soucis en joyeux désordre s'ouvrent et se ferment avec le soleil tout en laissant la trace de leur odeur si singulière. Les lupins étonnants avec leurs hampes dressées de grappes de fleurs aux couleurs vives et variées.

    Le foisonnement des rosiers, il y a les superbes qui attirent l'oeil, les timides un peu en retrait, les odorants qui dégagent des parfums suaves.

    Les lavandes qui nourrissent tout l'été les abeilles, à la fin de l'été on cueillera les fleurs pour remplir les pochons qui embaumeront les armoires.

    Les pommiers japonais si délicats, les lilas qui fleurissent début juillet, ils nous attendent pour saluer notre arrivée.

    A l'écart, les groseilliers avec leurs fruits rouges, juteux, acidulés. A cinq ans, je me suis installée par un apres-midi chaud près d'eux, j'avais un peu d'ombre et je me suis mise à déguster leurs fruits charnus, avec la chaleur ambiante ils étaient doux et parfumés, chaque grappe de fruits régalait mes papilles. J'aurais du être dans ma chambre pour la sieste, aussi qu'elle ne fut pas la surprise de ma famille de ne pas me trouver à me reposer. Au loin j'entends la maisonnée s'affairer à me chercher, mon prénom est sur toutes les lèvres, désolée, mais je veux encore grappiller quelques fruits, je ne réponds pas de suite, enfin j'arrive avec l'innocence de mon âge. En guise de punition, j'ai hérité d'une bonne indigestion qui m'a tenu éloignée des groseilles pendant quelques années.

    Le pommier avec ses pommes dures, pas traitées je l'accorde mais rapidement véreuses et surtout acides. Cela ne m'empêchait pas chaque été d'y mordre dedans en faisant semblant qu'elles étaient excellentes et vite me retourner pour cracher la vérité.

     

     


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  • Nous sommes à la mi-août, il est temps d'aller faire provision de babets, les pommes de pin. Dans les forêts avoisinantes, le sol en est jonché. Première étape on se pose et on prend un goûter, la boisson c'est l'eau de la rivière, on ne parlait pas encore de pollution.

    Munis de sacs en toile de jute, nous nous appliquons chacun à remplir le nôtre, ils sont grands et il nous faut un certain temps pour en arriver à bout, on les empile dans une carriole qu'on tire à bout de bras, à la Maison direction l'arrière du garage où ils vont sécher tout l'hiver, ils serviront l'été prochain pour allumer la cuisinière et la cheminée seuls chauffages de cette immense maison.

    L'été tire à sa fin, il y a comme un avant-goût d'automne dans l'air, les nuits deviennent fraîches, on ne résiste pas à un bon feu de cheminée le soir venu, ce soir exceptionnellement on prépare le feu avec les babets du jour, ils sont encore verts, pleins de résine, çà crépite, de temps à autre ils envoient quelques flammèches tel un feu d'atifice, le temps de se consumer ils émettent des bruits allant de la joie à la plainte.

    Les bûches rougeoyantes dispensent une douce chaleur, créent sur les murs des ombres inquiétantes, assis près de l'âtre on sent la chaleur nous envahir, les joues commencent à rosir, les yeux nous piquent, se ferment petit à petit, il est temps de regagner son lit.


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  • On les appelle airelles mais en vérité ce sont des myrtilles, elles sont cousines mais la myrtille a une autre saveur.

    Maintenant que j'ai huit ans je fais partie de la confrérie des ramasseurs de myrtilles, pour cette occasion on m'attache un panier autour de la taille afin d'avoir les deux mains libres, on me tend comme un trophée le peigne  pour les ramasser. Je suis très fière mais je n'ai pas mesuré la pénibilité du travail, il faut porter le peigne qui est lourd et encombrant, il faut faire attention aux grandes dents de ce maudit instrument, le plus dur reste à venir ; la cueillette, allez faire un essai et vous comprendrez la difficulté.

    A force d'être à croupetons et de ne pas savoir manipuler cet engin, je décide de m'asseoir sur la mousse fraîche à l'ombre des hautes fougères, un monde nouveau apparaît, je n'ai plus qu'à tendre les mains pour saisir les baies d'un beau noir brillant tirant sur le violet, recouvertes d'une fine peau qui les habille élégamment. Une dans le panier, une dans la bouche, elles sont sucrées tout en laissant un arrière-goût acidulé qui en fait sa particularité.

    Les paniers sont remplis, on contemple nos mains aussi tâchées qu'après une journée d'école, quelques fleurs de saponaire au creux de nos paumes, on se dirige vers le ruisseau le plus proche, magie ! plus une seule trace.

    La tâche est loin d'être terminée, il faut trier, enlever les petites feuilles qui ont voulu faire le voyage avec les fruits. Ce travail fastidieux accompli on sort la bassine en cuivre, on met en place les bocaux, tout le monde s'affaire pour préparer les confitures qui nous régaleront cet hiver.


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  • Un matin on se lève, on entend les vitt, vitt, vitt des hirondelles endimanchées de noir et de blanc. Dans le ciel elles tournent, font cent cercles, c'est un dédale de figures incertaines. Elles sont de retour, fidèles à leur coin favori sous l'avancée du toit côté droit. Elles font partie de la famille depuis quelques années.

    Assez gazouillé, c'est le moment de bâtir les nids, architecture de boue, de sable. L'hirondelle aime la compagnie de l'homme, c'est une très vieille histoire qui date de l'homme des cavernes où elles cohabitaient dans les grottes.

    Tiens ! Des coquilles, les petits sont donc nés, on en a la confirmation rapidement, la couvée criarde rappelle à l'ordre les parents qui partent à la quête de la nourriture.

    Je regarde ce ballet incessant, elles rasent la terre puis remontent pour attraper quelques mouches ou moucherons, regagnent les nids pour y déposer leur butin dans les becs des hirondeaux. Très affairées toute la journée, pas un instant de répit, je les repère à un endroit et d'un coup je les retrouve évoluer au plus haut avec une incomparable agilité. L'espace est envahi de leurs chants doux et harmonieux.

    Véritable baromètre, on sait si la journée sera clémente ou si l'orage menace.

    A la fin de l'été, ces fines voyageuses sans bagages, se rassemblent plusieurs jours sur les fils électriques, plus de bruits dans le ciel ni dans les nids, elles sont parties en nous laissant de la mélancolie, les vacances sont finies, il faut penser à partir et retrouver le chemein de l'école.


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